Boudés par le business musical, adulés par leur public, les vénérables Bordelais sont les fers de lance d'une chanson urbaine sans chichi. Attention, c'est brillant.

"Nucléaire" est une bombe. Mais une bombe en dedans, qui caresse la sourdine, hurle dans un coussin et tambourine contre la poitrine. Ce premier single dégoupillé en avril 2018, tiré du nouvel album du gang bordelais "Au Baccara", ne déroge pas à la règle : une poésie urbaine sans concession. A l'heure du tout hygiénique, Odezenne empoigne le rap alternatif par le cœur pour l'emmener dans une chanson tapissée d'électro. La rime gifle fort, mais juste. En quatre albums, les Français n'ont rien fait pour être aimés. Car ce n'est pas beau, Odezenne. C'est franc. Et puis, on raconte que le romantisme est moins fourbe dans une ruelle sombre.

DANS UN RAP OÙ IL EST DÉSORMAIS PERMIS DE SE MONTRER VULNÉRABLE, 7 JAWS N’EST PAS DU GENRE À FEINDRE SES ÉMOTIONS. SA CARAPACE S’EST FENDUE AU GRÉ DES COUPS QU’IL A APPRIS À ENCAISSER.

Ceux que la vie lui a porté, comme ceux qu’il a recu à travers ses douze années de pratique des sports de combats. C’est d’ailleurs un ultime taquet pris sur le ring, brisant sa machoire et ses chances de poursuivre une carrière professionnelle, qui lui fait adopter l’identité de 7 Jaws. À travers le rap, 7 Jaws a su mettre des mots sur ses maux, qu’il extériorise par à-coups. Compulsifs, ses textes sont un entremêlement de sentiments profonds et complexes, parfois contradictoires, Jaws apparaissant tantôt sûr de sa force, tantot empreint de doutes et de rancoeur. Toujours plus ambivalent, son art s’inscrit dans la tradition d’un rap français où on ne laisse que peu de place aux approximations techniques, mais fait tout aussi bien echo au spleen moderne et torture d’un Trippie Redd ou de feu Lil Peep.